Précédemment on a découvert les règles qui régissent la cristallisation du miel (voir l’article). Maintenant, on va voir un tas d’applications concrètes, que ce soit pour comprendre les anomalies du miel ou pour en modifier les caractéristiques et le rendre plus agréable à déguster.
Attention, il ne s’agit pas de « trafiquer » ce beau produit mais plutôt de l’aider à être à son top pour le plaisir de tous, sans altérer ses qualités.
Le déphasage…de l’eau en haut du pot !
On observe ça sur des miels à forte cristallisation (donc riche en glucose) et un peu trop riche en eau. Au début, le miel est cristallisé…il peut même être dur. La cristallisation est un arrangement régulier entre des molécules de sucres et des molécules d’eau, comme un mur de brique de différentes tailles…sauf qu’à la fin, il y a trop de briques qui correspondent à l’eau. Au début ces molécules excédentaires sont logées entre les différentes couches de cristaux mais petit à petit, la gravité les fait remonter en haut du pot. Au bout de plusieurs mois, on observe une couche liquide plus ou moins épaisse qu’il est impossible de faire disparaître, même en re-mélangeant. En soit, ce n’est pas un réel problème, surtout si la couche d’eau est fine. Cependant cela réduit la durée de conservation car en haut du pot, c’est de l’eau chargée en fructose (le sucre le plus soluble du miel) et c’est un milieu favorable à un démarrage de fermentation.
Le miel liquide…souvent une aberration !
Il est possible de trouver quelques miels de France métropolitaine naturellement liquide : sapin ou acacia, riches en fructose. Mais à part ces « mono floraux », c’est plutôt anormal. Le problème, c’est surtout de voir en grande surface des rayons entiers de miel liquide alors qu’ils contiennent beaucoup de glucose. C’est le cas de ces miels de tournesol ou d’eucalyptus qui servent à l’élaboration de ces miels standardisés, souvent en partie issus d’import.
En théorie, ces miels devraient être cristallisés. Souvenez-vous, on avait parlé des cristaux primaires, naturellement présents dans le nectar qui permettent de lancer la cristallisation. Et bien en chauffant le miel suffisamment, on arrive à détruire ces cristaux primaires et donc à inhiber pour un temps le démarrage de cristallisation. Mais un jour ou l’autre (entre 6 mois et 1 an), la cristallisation reprend le dessus et alors elle est souvent anarchique avec de gros cristaux peu agréables à consommer. Pendant ce processus de chauffage, le miel est plus ou moins dénaturé. En effet, le miel se dégrade à une température supérieure à celle de la ruche…dés 45°C pendant plusieurs heures. La pasteurisation flash des industriels est trop rapide pour réellement dégrader le miel mais comme il faut le chauffer pour pouvoir le pomper dans les machines…souvent à plusieurs reprises…l’ensemble du processus peut quand même altérer le produiot final.
Mon miel est tellement dur…qu’il est presque immangeable :
On observe ça souvent sur des miels un peu trop sec ( < 16% d’eau) : c’est le cas au fond d’un grand maturateur ou lors de récolte en météo très sèche. Aucun problème de conservation mais peu agréable voire difficile à consommer…en tout cas « intartinable ».
La solution ? en faire du miel crémeux…beaucoup plus onctueux et apprécié.
Attention, cette méthode doit se mettre en œuvre avant que la 1ère cristallisation ne se mette en place. Il s’agit, après maturation, de brasser le miel deux fois par jour et pendant 5 minutes, le tout pendant 4 à 7 jours.
Les points clé d’un bon brassage :
Laisser la maturation se faire pour évacuer toute la cire (pour du colza, c’est à faire dans une pièce chaude !)
Brasser lentement sans incorporer d’air (perceuse à vitesse lente avec queue de cochon) photo
Brasser un jour de plus plutôt qu’un jour de moins…. On ne voit le résultat que plus tard !
Travailler dans une pièce plus chaude que 14°C (voir article précédent).
Cristallisation grossière…pas agréable mais normal :
L’exemple type c’est le miel de bruyère. Ces cristaux primaires sont très gros et servent de modèle pour le reste de la cristallisation.
La solution ? …l’ensemencement
Cela consiste à mettre dans le miel grossier une petite partie de miel à cristallisation fine et rapide pour devancer les cristaux primaires d’origine.
Les points clefs d’un bon ensemencement :
Ensemencer avec un miel de colza…le top pour faire ça
5 à7 % d’amorce suffisent ( disons 600g dans 10 kg) et le miel ne perd pas son appellation monoflorale.
Procéder comme pour une mayonnaise ( déposer le cristallisé légèrement chauffé au fond et mélanger en incorporant petit à petit le miel frais encore liquide.)
Dans la pratique :
Pour du miel de printemps : un brassage plutôt long si le miel a moins de 17% d’eau.
Pour du miel d’été : ensemencement et brassage. Et oui, les deux sont possibles pour un miel au top !
Pour du miel d’acacia avec peut-être un peu de colza : chauffage léger à 40°C pendant quelques heures. Ce traitement n’abime pas le miel et donne le coup de pouce nécessaire pour garder un miel liquide
Toutes ces transformations sont pertinentes tant qu’elles accompagnent le miel vers sa tendance naturelle. Comme pour tout produit agricole, expliquer à un consommateur la réalité de ce qu’il achète est le meilleur moyen de le faire adhérer, à long terme, à des choix pas toujours évidents au premier abord.