Quelles pistes d’économie de l’eau en élevage laitier ?

Point de situation

Au fil des années, le changement climatique se fait de plus en plus tangible et affecte directement notre environnement en entraînant une raréfaction de la ressource en eau. Bien que la sècheresse de l’été 2022 semblait exceptionnelle, elle deviendra la norme au cours des prochaines décennies.


Ensemble pour une sobriété hydrique

Face à cette réalité, l’économie d’eau est devenue une nécessité pour préserver la ressource et garantir la durabilité de son utilisation. Tous les usagers de l’eau, des consommateurs aux collectivités et entreprises agroalimentaires, en passant par les élevages, doivent s’impliquer. C’est dans ce cadre d’anticipation du changement climatique et de diminution de la ressource, que la Commission Locale de l’Eau (CLE) du bassin versant de la Mayenne a engagé l’initiative SAGE Mayenne Eau Cap 2070, qui vise notamment à sensibiliser les principaux consommateurs d’eau à la réalisation d’actions d’économie de cette ressource.

L’élevage, qui représente une activité économique importante en Mayenne, est l’un des principaux pôles de consommation d’eau du département pendant les périodes de sécheresse. Cette activité a besoin d’eau pour l’abreuvement des animaux, pour le nettoyage des installations et se doit de contribuer à l’effort de sobriété hydrique. En effet, moins de 5 % d’économie d’eau dans les élevages (fuites, lavages, etc.) représente une économie annuelle supérieure à 500 000 m³ d’eau. De plus, en raison des besoins simultanés d’eau potable pour les usages domestiques, les industries et l’élevage, le réseau d’eau potable peut connaître de fortes tensions estivales, à l’image de l’été 2022.

Le département de la Mayenne a rencontré des représentants du Groupement de Défense Sanitaire, de Seenovia et de la Chambre d’agriculture pour explorer des actions possibles, faciles à mettre en place et à moindre coût.


Mesurer les quantités consommées

Envisager d’économiser l’eau passe d’abord par des enregistrements précis des consommations d’eau. Pour les exploitations utilisant le réseau d’eau public, les consommations sont visibles sur le compteur du site et sur les factures émises par le distributeur d’eau.

Dans notre département, le constat est qu’une grande partie de l’eau utilisée par l’élevage est issue de captages privés (estimée à 75 %). Or, les eaux des puits et des forages sont souvent agressives (phacide et dureté faible) et vont dégrader les métaux de compositions des installations d’eau (laiton, acier noir ou galvanisé, cuivre), provoquant des fuites aériennes et souterraines.

Ces installations privées doivent légalement être équipées de compteur totalisateur s’accompagnant d’un enregistrement des prélèvements fait sur l’ouvrage de captage de l’eau. Ce compteur constitue le premier moyen de repérer les consommations de l’élevage et de repérer les fuites. En vérifiant qu’il s’arrête complètement en l’absence de consommation (immobilité de la plus petite roue), l’éleveur s’assurera de l’absence de fuite permanente et significative sur son réseau de distribution.

Une fuite de 100 L/h peu détectable ≈1000 m3/an,
soit les besoins domestiques en eau de 8 à 12 familles de 4 personnes.

Un compteur de grande sensibilité dont le seuil de démarrage est fixé à 0,5 L/h peut être mis en place pour repérer les fuites mineures (inférieures à 10 L/h = 100m3/an), souvent associées aux nombreuses canalisations enterrées et pouvant causer des dommages aux logements des animaux, sous les aires paillées. Quel que soit le type de compteur mis en place, celui-ci devra être nettoyé et entretenu régulièrement afin de maintenir sa précision.


Apporter aussi de l’eau aux animaux par le fourrage

Les quantités totales d’eau ingérées comprennent également l’eau contenue dans le fourrage. Dans le cas des bovins, l’eau provenant de l’herbe pâturée permet de réduire la quantité d’eau bue lors de l’abreuvage. À une température proche de la thermoneutralité (15°C), et pour une production de lait identique (25 L/J), l’eau apportée par le fourrage varie de 1 à 2,5 entre un fourrage conservé type maïs et de l’herbe pâturée. Les besoins journaliers d’abreuvage, sont de 40 L dans le cas du pâturage et augmentent à 80 L pour une ration à base de maïs ensilage. Pendant les périodes estivales les plus chaudes, la raréfaction de l’herbe pâturée génère des besoins de pointe qui peuvent être importants (>120 litres par vache laitière par jour), besoins que le débit disponible dans les réseaux de distribution et le volume des abreuvoirs devront permettre de couvrir.

Un troupeau de 70 VL avec un régime alimentaire passant de 15% d’herbe pâturée à 40% diminue ses besoins

en abreuvement

de 600 m3/an.


Mieux gérer l’eau de lavage des matériels

Les traitements de l’eau par déferrisation, démanganisation ou neutralisation, sont souvent nécessaires, compte tenu de la qualité de l’eau des forages et des puits. Ils sont fréquents, et utilisent de l’eau en rétro-lavage pour nettoyer les filtres. La fréquence, la durée, le débit, de ces rétro-lavages peuvent être adaptés pour minimiser les quantités d’eau utilisées sans compromettre l’efficacité de ces équipements.

Economie en espaçant

les lavages du déferriseur
à 3 jours ≈360 m3/an

Certaines consommations en eau sont nécessaires pour entretenir les abreuvoirs notamment lors des opérations de vidange, de brossage, de lavage, etc. La mise en place d’une vanne d’arrêt avant l’abreuvoir permet de limiter les volumes d’eau rejetés à l’extérieur lors de cet entretien.


Economiser l’eau autour de la traite

Entretien du quai et du parc d’attente

Le nettoyage des bouses sur les quais en cours de traite commence par l’utilisation d’un racloir manuel. Les sols seront entretenus et rénovés pour les maintenir facilement nettoyables. Pendant l’été l’utilisation de sciure ou de paille broyée sur le parc d’attente permettrait de le maintenir propre et sec en évacuant les bouses sans nécessiter un lavage quotidien. Un piège à eau entre l’entrée sur le quai et le parc d’attente permettrait de canaliser l’eau de lavage des quais sans mouiller le parc. Ces techniques sont à évaluer par expérimentation.

Lavage avec des eaux récupérées

La récupération des eaux triées du lavage des machines à traire est déjà souvent en place dans les fermes laitières, cette récupération peut être diluée et complétée en volume par des eaux de pluie issues des versants des toitures autour de la laiterie. Elles devront être stockées à proximité des lieux de traite, de préférence dans une cuve enterrée. Le volume de la cuve devra être adapté en fonction des besoins en lavage et du volume d’eau récupérable.

Salle de traite économe

en eau ≈ 120 m3/an

d’économie potentielle.

Valoriser l’eau du système de refroidissement

L’eau utilisée pour le refroidissement du lait peut s’avérer trop abondante sur une courte période autour de la traite, et sa température peut être trop élevée pour être appréciée par les vaches laitières en été. En ajustant les volumes des abreuvoirs, il sera possible de mieux valoriser cette eau, sans perte.

Protéger quantitativement son captage privé

Les besoins estivaux en eau peuvent parfois être difficilement satisfaits par les puits traditionnels et les forages à faible débit. Dans ces élevages confrontés à une pénurie d’eau, la consommation d’eau se reporte donc sur le réseau public, et ce, pendant des périodes plus sensibles.

Protéger son puits
pour une meilleure
autonomie en eau

L’autonomie des puits et des forages pendant la saison estivale est influencée par le processus de recharge des nappes souterraines pendant la période hivernale. Ainsi, le mode d’exploitation des terres situées dans la zone d’alimentation du captage doit favoriser l’infiltration des précipitations pendant les mois d’hiver. Cela peut être réalisé en maintenant des couverts végétaux permanents tels que des prairies, en limitant ou en évitant le drainage artificiel dans certaines zones, en créant ou en maintenant des haies et des talus pour ralentir l’écoulement des eaux de ruissellement, et en redirigeant les eaux provenant des zones imperméables vers des noues ou des tranchées d’infiltration plutôt que de les laisser s’écouler vers les fossés ou les ruisseaux.

Toutes ces mesures contribueront à reconstituer les réserves en eau des aquifères qui alimentent les puits et les forages. Mieux les réserves seront reconstituées en hiver, meilleure sera la capacité des puits et forages à couvrir les besoins en période de déficit hydrique. Évidemment, la situation peut varier en fonction du contexte hydrogéologique local et du positionnement topographique des sites de captage.

Dans un contexte ou l’eau doit être considérée comme une ressource de plus en plus rare et précieuse,
les économies d’eau et une meilleure gestion mènent vers une sobriété, qui devient l’attitude devant
imprégner nos comportements pour un meilleur partage entre les différents besoins.

Loïc FULBERT, GDS Mayenne