La grande douve du foie (Fasciola hepatica) est un parasite à corps plat, en forme de feuille, de 2 à 3 cm de long sur 1 cm dans sa plus grande largeur, appartenant à la famille des trématodes.

Il s’agit d’un parasite majeur qui provoque de sérieuses lésions tissulaires dans le foie et d’intenses réactions immunitaires de la part de l’hôte. C’est un parasite des zones humides qui nécessite un hôte intermédiaire, la limnée tronquée, petit escargot amphibie (8- 12 mm).

Phase externe du cycle

A partir de matières fécales d’un bovin contaminé, l’œuf s’embryonne et permet l’éclosion d’une larve mobile (miracidium) en 3 semaines minimum, en présence d’eau et d’oxygène en quantité suffisante et une température supérieure à 10°C.

Le miracidium infeste la limnée, dans laquelle il effectue plusieurs multiplications. Après 6 à 8 semaines, les cercaires sont éliminées par effraction du tégument, principalement lorsque la limnée est immergée (pluies de printemps et d’automne) et à une température entre 9°C et 25°C et en particulier lors de grandes variations de température.

Après fixation sur un support végétal, les cercaires se transforment en métacercaires infestantes. Leur survie dans le milieu extérieur peut atteindre 6 mois.

Certaines métacercaires peuvent flotter à la surface de l’eau et sont responsables de contamination à distance des bovins par l’abreuvement (métacercaires flottantes).

Phase interne du cycle

Après ingestion des métacercaires, les jeunes douves éclosent dans le tube digestif et traversent rapidement la paroi de l’intestin grêle pour migrer librement dans le péritoine et atteindre le foie en une quinzaine de jours. Elles circulent ensuite dans le parenchyme hépatique pendant 5 à 6 semaines, en se nourrissant du tissu hépatique (régime alimentaire histophage). La migration des douves s’accompagnent alors d’hémorragies et de réactions inflammatoires de l’hôte.

Les douves pénètrent ensuite dans les canaux biliaires, deviennent adultes et hématophages en aspirant le sang par leur ventouse buccale. L’action mécanique des douves provoque une fibrose des canaux qui s’épaississent, se calcifient et deviennent blanchâtre. Ils prennent l’aspect de gros « macaronis » ou de « tuyaux de pipe ». La très forte réaction inflammatoire du bovin rend la vie de la douve difficile dans les canaux biliaires. Elle perturbe sa nutrition et limite son installation, mais provoque des dégâts irréversibles. Les douves ne survivent que 6 mois dans le foie.

La grande douve n’est pas un parasite très prolifique. Elle pond très peu d’œufs dans le milieu hostile que représentent les canaux biliaires ou la bile. Ces œufs sont ensuite incorporés au contenu du tube digestif et rejetés avec les matières fécales 12 semaines après l’infestation.

Symptômes et conséquences zootechniques

Chez les bovins, les symptômes sont, le plus souvent, discrets et n’attirent pas l’attention de l’éleveur. Pourtant, l’infestation entraîne des troubles physiologiques.  Le foie jouant un rôle métabolique majeur (détoxification, synthèse de vitamines, de protéines, de glucides, de lipides, de stéroïdes), toute perturbation de fonctionnement hépatique s’accompagne d’une diminution des productions.

Le métabolisme général est dévié vers la synthèse d’anticorps, de cellules et de protéines dirigées vers le parasite au détriment de la production de protéines nobles comme l’albumine du sang, les protéines du lait et des muscles.

Il en résulte des retards de croissance, des amaigrissements, une immunodéficience. La production laitière et les taux protéiques sont plus faibles. En raison de l’insuffisance de la production d’hormones stéroïdes la fertilité est affectée. La qualité des colostrums est altérée ce qui entraîne consécutivement des pathologies néonatales.

Cette hypoprotéinémie débouche sur la formation typique d’un œdème sous la mâchoire (« signe de la bouteille »).

Les douves adultes hématophages provoquent une diminution du nombre des globules rouges et une perte en fer, d’où l’apparition d’une anémie.

L’infestation induit une diminution de l’appétit et une perturbation de la digestion. Les bovins infestés présentent souvent des selles ramollies, vraisemblablement en relation avec une mauvaise digestion intestinale et une sécrétion de bile de moins bonne qualité.

Facteurs de risque

L’humidité des pâturages conditionne l’existence de la limnée. Les gîtes à limnées sont des zones où l’humidité constante permet l’établissement du peuplement de limnées abondant et pérenne : prairies humides en toutes saisons, caractérisées par des ajoncs et renoncules, rives basses des ruisseaux et rivières à débit lent, bords d’étang.

Les gîtes temporaires sont des zones humides périodiquement et permettent le développement des limnées de manière saisonnière. Ce sont par exemple les zones de piétinement autour des points d’eau, les ornières faites par le tracteur, les empreintes de sabots, les eaux de ruissellement.

La sécheresse tue la limnée. Les œufs de douve et les métacercaires ne résistent pas à la dessication. Paradoxalement, le danger de fasciolose est accru lors des sécheresses car les animaux pâturent dans les zones humides où le cycle parasitaire se réalise d’autant plus facilement qu’il y a une densité animale élevée dans ces parcelles.

Les animaux peuvent s’infester dès la mise à l’herbe par l’ingestion des métacercaires ayant survécu à l’hiver. Du fait de la disponibilité fourragère importante, les animaux fréquentent peu les zones humides et boueuses. Le risque est donc limité.

En revanche, L’automne est la principale période d’infestation des bovins, lourde de répercussions zootechniques et médicales. Dès les premières précipitations, les limnées reprennent leur activité et émettent les larves de douves (cercaires), responsable d’une forte contamination autour des gîtes. La raréfaction de l’herbe conduit les bovins vers les zones à risque où ils se contaminent de façon multiple et répétée.

Évaluation de la douve dans un troupeau

La pâture reste le meilleur indicateur. La seule prévention est l’identification des gîtes à limnées et l’interdiction l’accès de ces zones à risque aux reproducteurs et génisses.

Le diagnostic n’est pas si simple.

  • Les retours d’abattoir sont très peu fiables : l’absence de résultat ne signifie pas absence de douve.
  • Le diagnostic coprologique est très spécifique mais la ponte est faible et intermittente. Il n’y a pas de relation entre la charge parasitaire et le nombre d’œufs présents dans les matières fécales. Seul un résultat positif compte. Un seul œuf détecté chez un animal doit permettre de considérer le lot comme infesté et conduire au traitement.
  • La sérologie dans le lait est peu sensible. Les troupeaux fortement infestés sont détectés.
  • La sérologie sur un mélange de sérums de 6 – 10 animaux sentinelles permet d’estimer l’infestation du lot.

Les anticorps sont d’apparition précoce. La sérologie est positive 2 à 6 semaines après l’infestation. Les anticorps persistent jusqu’à 6 mois après la disparition des parasites adultes.

 

Traitement

Une fois l’existence du risque établi, le dispositif de lutte repose sur des mesures agronomiques dans les pâtures et/ou l’administration d’un traitement curatif.

En fonction du spectre d’action du vermifuge, le traitement doit intervenir au courant de l’automne (produit larvicide-adulticide) ou au début de l’hiver (adulticide). 

Les produits sur le marché sont actuellement interdits en production laitière, ce qui implique de traiter les vaches lors du tarissement, période pas nécessairement compatible avec le cycle du parasite.

Pascal LE BEGUEC GDS 53